° Rubrique philo-poche 

Cours de  PHILOSOPHIE par J. Llapasset

Philo-poche  

Le travail    

  • I. Autour du mot.  Société,  individus,  produit,  échanges = page 1
    II. Le parcours = page 2
    III. La negation de la nature (G. Bataille) = page 3

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B) Les formes sociales du travail.

Si l'individu dans le travail qui lui est proposé est privé d'un ou plusieurs éléments du processus, il est en même temps privé de la liberté et de l'intelligence que manifestait cet élément. On comprend que des formes "tronquées" du travail peuvent être source de déshumanisation et d'aliénation?

  1. Origine du travail aliéné: ce n'est plus le désir, la liberté, c'est le besoin, la nécessité, la faim.
    Si l'homme vend sa force de travail, il s'en dépossède et renonce au désir puisqu'il renonce à ce qui pourrait réaliser son désir: il est asservi à la satisfaction des besoins, après le travail, grâce au salaire. En vendant sa force de travail pour un salaire qui lui permettra de se nourrir et de recommencer, l'individu se soumet à ses appétits, à ses besoins, à la nécessité d'une nature: se nourrir.

  2. La division du travail, la répartition des tâches, puis la décomposition des tâches en éléments simples, singe le mécanisme naturel, le déterminisme, un enchaînement de causes et d'effets avec pour conséquence de confisquer à l'individu le pouvoir d'inventer. 
    La première figure du travail aliéné c'est qu'il est inventé par un autre, avec l'exclusion de l'initiative, de l'imagination, de l'usage de la raison.

  3. La réalisation devient pour lui simple organisation du travail par un autre, deuxième figure du travail aliéné, ce qui marque l'asservissement de la tâche: enchaînement de gestes devant un tapis roulant, monotonie, lutte perpétuelle et épuisante pour faire attention malgré l'habitude et l'ennui: caissières surveillées par la machine qui exige que tant de produits soient "passés" à la minute, marquent bien la disparition de l'initiative, de l'intelligence, comme si l'individu n'était plus qu'un objet naturel qui suivrait des lois.

  4. Quant au produit, il sera payé selon la quantité de travail faite par l'ouvrier. C'est la troisième figure du travail aliéné, le produit profite à un autre. On lui expliquera, dans le meilleur des cas, qu'il est impossible de lui donner la part de l'inventeur, celle de l'organisateur, celle du propriétaire des moyens de production etc... Reste, après toutes ces soustractions, à lui payer ce geste machinal que n'importe qui pourrait d'ailleurs faire à sa place avec à l'horizon son remplacement par une machine asservie à une intelligence artificielle. 
    Autant dire que le travail aliéné, creusant sa propre tombe, disparaîtra. 
    Progrès quantitatifs nécessaires, amélioration des conditions de vie de tous, disparition des famines dans le monde du travail, tout cela, dont on ne peut contester la valeur, a eu pour prix l'émiettement du travail car courir d'une tâche à l'autre c'est une grande perte de temps. 
    C'est dire que la division ou mieux la séparation du travail intellectuel et du travail manuel, avec pour conséquence l'aliénation du travailleur manuel, a été le prix du progrès.
    Mais qui déplore la disparition d'un tel travail?

 D) Des perspectives encourageantes pour le XXI ème siècle.

Si la page se tourne sur le travail en miettes (fait par les robots), le travail ne disparaît pas: notre société reste centrée sur le travail ce qui prouve bien qu'il a simplement changé de formes et que les nouvelles figures qu'il manifeste expriment la liberté et l'intelligence de l'homme.

Parce qu'elle est orientée vers le progrès fondé sur la science et la technique et qu'il n'y a pas de science et de technique sans des individus, la société moderne reconnaît le travailleur comme un fondement et valorise ses connaissances comme son expérience.
Ce qui intéresse, ce n'est pas la manière de travailler mais l'utilité, le résultat de son travail. Il est donc considéré du point de vue de sa fonction, au service du progrès, au service de tous et d'abord de lui même. On attend de lui une autonomie qui calcule les moyens d'un résultat: autant dire que le travailleur contemporain peut récupérer, s'il le veut, sa marge de manœuvre et la liberté de la réalisation. Voilà pourquoi il importe peu qu'il travaille au sein d'une entreprise ou chez lui (voir le développement du télétravail qui "économise" dans certains cas, des heures de déplacement).

La société moderne valorise donc l'efficacité, l'application, le sérieux de la fonction et surtout la compétence: valoriser la compétence c'est valoriser l'individu.
La compétence c'est d'abord le domaine dans lequel on a le droit d'agir: cette liberté, dans des frontières, qui s'interdira d'agir hors de son domaine. C'est une sorte de politesse, de maîtrise de soi, de concentration sur un domaine qui est gage d'efficacité et de responsabilité par rapport à ce qui a été confié.
La compétence c'est donc la capacité de faire par soi même une tâche en tenant compte de ce que les autres font.
Parce que la compétence n'est jamais définitive, tout individu doit se recycler: mais qu'est-ce que se recycler sinon développer sa culture, se rendre capable d'agir, développer sa liberté d'action.

S'il y a une grande espérance dans la jeunesse actuelle -l'épanouissement dans la vie et donc dans le travail- on peut dire que de multiples formes de travail, proposées, ou à inventer, assurent que cette espérance peut être réalisée les efforts de la jeunesse font pour acquérir des compétences.
Qui ne se réjouirait de voir se répandre cette autonomie calculatrice qui permet à l'individu,  au travailleur de se débrouiller tout seul?
Qui croira que sans compétition loyale, il pourrait y avoir justice et égalité?

Pistes de lecture:
1776- Adam Smith, Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations (Gallimard 1976).
1894- Marx, Le Capital, livre III.
1949- Sartre, "Matérialisme et révolution, dans Situations III, (Gallimard page 197 à 199).
1990- M. Henry, Du communisme au capitalisme. (Éditions Odile Jacob).

Quelques citations:
"Le travail est l'activité médiatrice, qui consiste à produire et à acquérir des moyens particularisés appropriés à des besoins également particularisés." Hegel, Principes de la philosophie du droit. 
"Au moyen de quelques guillemets Sancho (= Stirner) transforme ici "tous" (=tous les individus) en une personne, la société en tant que personne, en tant que sujet" Marx, L'idéologie allemande, Éditions Sociales (p.233)
"Ce qui fait la valeur morale de la division du travail ... c'est que, par elle, l'individu, reprend conscience de son état de dépendance vis à vis de la société" Durkheim, La division de travail (p.396)
"Les micro-unités de travail, si elles constituent le seul lot de l'ouvrier et de l'ouvrière, rivés à elles durant des semaines, des mois, des années, ne peuvent être transfigurées par la solidarité." Friedmann, Le travail en miettes (p.140).

Des citations: - Le Travail A- Valeur | B- Humanité  | C- Division   | D- Loisirs

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