-
Une société,
ensemble d'individus qui travaillent et échangent, a besoin de
stabilité et donc d'institutions qui ordonnent les
"mouvements", en disant le droit, et qui assurent
l'administration selon le droit: autant dire que société et état
tendent à être articulés comme le contenu, la société,
à la forme, l'État.
-
La nation (de
nascere = naître), comme ensemble d'individus nés dans un même
pays, se distingue de l'Etat comme la nature se distingue de la
culture, comme l'existence se distingue de l'essence. Pourtant, de
même qu'il n'y a pas d'existence sans essence, il n'y a pas de
nation sans d'État: la nation est terreau ou milieu sans lequel,
il manquerait à l'Etat ce qui le "cimente", la force du
sentiment national qui, en le parcourant, l'unifie et le fait
vivre.
-
Nation, société, Etat pour être
distincts n'en sont pas moins en étroite relation, un peu comme
l'âme et le corps, au point que, sans l'Etat, nation et société
disparaissent dans le chaos de la guerre civile.
II.
La notion: le parcours.
-
Par essence,
l'État est un système qui se tient debout (stare) face aux
changements, et qui domine une communauté déjà en partie unifiée
par le travail et le sentiment national.
-
C'est un système
d'institutions organisées en vue de l'action propre à assurer le
bien commun, ce qui implique que la loi juste sera celle qui vise
le bien commun: comprenons que les éléments du système vont
alors s'articuler en fonction de leur rapport à la loi: comme être
de raison, la loi ne peut être que pour tous (égalité) et par
tous (liberté comme autonomie): elle présente une alternative à
la violence des lois de la nature: elle est le fruit de la
concertation, la conversation substituée à la violence.
-
L'Etat est un
système d'institutions solidaires déduit (sorti de) de la double
universalité de la loi qui institue l'égalité et la liberté,
donnant ainsi la souveraineté au peuple, ensemble des citoyens,
ou corps électoral qui choisit, par élection, le parlement.
-
Le parlement, qui émane de tous,
vote (ou se propose à lui-même) des lois que le gouvernement lui
propose.
L'administration
applique les lois par la justice, les
diverses forces de police...
Enfin, deux organismes veillent à la conformité des lois.
-
Ont-elles
la double universalité (pour tous, par tous)?
-
Respectent-elles
la constitution, sorte de loi fondamentale qui organise la hiérarchie
de l'État et garantit les droits des personnes?
Il s'agit du Conseil d'État et du Conseil Constitutionnel.
-
Il apparaît
clairement que sans un tel système démocratique, les maîtres
prolifèreraient et que ni l'égalité, ni la liberté, ni le
respect des personnes ne pourraient exister. Toute critique de l'État
revient donc à le confondre avec des simulacres d'états qui
n'ont rien à voir avec lui. Mais l'État, garant de l'État de
Droit est en réalité la condition nécessaire de la vie et du
respect des personnes.
-
C'est que l'État
a pour rôle de rappeler les valeurs essentielles de justice, égalité,
liberté et de sécurité sans laquelle liberté et égalité ne
sont plus que des ombres.
-
C'est l'État
qui présente et explique les problèmes de l'époque, propose des
solutions dont il assurera la mise en œuvre en orientant et en
dynamisant les efforts des citoyens. L'Etat n'est pas un
"monstre froid" mais un ensemble de personnes qui
agissent et sont contrôlées par la communauté qui, en démocratie,
a toujours le dernier mot.
-
C'est dire
que l'État a la lourde tâche:
-
d'assurer
la survie de tous chaque fois que des ennemis extérieurs ou
intérieurs menacent.
-
de
préserver les personnes contre les processus économiques aliénants
-
de
suivre, d'encourager, et de surveiller l'évolution des
techniques.
Il a aussi le rôle ingrat de résister aux groupes de
pressions et de contraindre ceux qui ne renoncent pas à la
violence physique ou morale.
-
Le
but de l'État, sa finalité, est de garantir à chacun la
possibilité de créer et de suivre une manière de vivre qui
soit la sienne:
La personne comme sujet moral et sujet de Droits, voilà la
finalité de l'Etat.
-Comme
institution, comme être de raison, l'Etat n'existe pas, il a
besoin d'organes car ce qui est simplement écrit est mort tant
que cela n'est pas dit et vécu: cela signifie que, sans des
citoyens qui réfléchissent, pensent, parlent en son nom l'Etat
n'est rien: il s'incarne donc dans des citoyens et prend vie de
leur autonomie, de leur fidélité au texte et surtout de leur
capacité à obéir à la représentation des lois plutôt qu'aux
intérêts particuliers des gens qui les sollicitent: autant dire
que l'État se pense dans des lois qui vivront comme morale, comme
autonomie.
-
L' Etat pour
survivre se doit donc de veiller à l'éducation des citoyens: par
l'éducation chaque individu s'élève au rang de sujet moral
capable, en maîtrisant les impulsions des lois de la nature, de
s'obliger lui-même par la représentation des lois nées de la
concertation. La démocratie n'est peut-être que l'idéal d'un
homme - Dieu.
L'opposition de la morale et de la politique masque mal les
compromissions sournoises: en invoquant la raison d'Etat on n'a
rien compris à la question et on se soucie davantage des intérêts
particuliers que du bien commun.
On distinguera la violence et la force: alors que la violence est
irrationnelle, emportée, au service des appétits particuliers,
au contraire la force est rationnelle (née d'un calcul), mesurée,
au service de la loi et donc au service de tous.
L'Etat qui utiliserait la violence, n'est donc pas un état, mais
le simple nom d'un groupe d'intérêts qui refuse le dialogue
parce qu'il croit savoir et ne sait pas qu'il croit.
- Parce
que la philosophie commence avec la distinction de l'opinion et de
la science qui creuse un désir de vérité et de justice et
engage dans une enquête, parce que tout effort pour penser est un
engagement avec autrui, parce que toute "enquête avec"
implique l'espérance d'un accord possible, l'éducation du
citoyen, la vie de l'Etat et des personnes, passe par la réflexion
philosophique: la maïeutique, c'est toi qui le diras.
Quelques
citations:
"L'Etat,
c'est le plus froid de tous les monstres froids... Voici le
mensonge qui s'échappe de sa bouche: "Moi, l'Etat, je suis
le peuple". Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra.
"L'Etat
est seulement cette partie du corps politique dont l'objet spécial
est de maintenir la loi, de promouvoir la prospérité commune et
l'ordre public et d'administrer les affaires publiques." J.
Maritain, L'Homme et l'Etat, pages 11 et 12
"L'Etat
est l'ensemble organique des institutions d'une communauté
historique" E. WEIL, philosophie politique page 131
"Chacun
veut vivre aux frais de l'Etat. Mais tout le monde oublie que l'Etat
vit aux frais de chacun." Bastiat.
=>
Voir la page synthétique: L'ETAT
Pistes
de lectures:
Aristote:
Politique, livre I.
Kant: Idée d'une histoire universelle d'un point de vue
cosmopolitique, IV ème proposition.
Hobbes: Léviathan, chap. 13 à 16
Rousseau: Du contrat social
Rousseau: Emile, Livre IV: Texte essentiel sur le rôle pédagogique
des lois, quel qu'en soit le contenu.
Lénine: L'Etat et la Révolution, (Editions sociales)
Marx et Engels: L'Idéologie allemande, (Editions sociales, p.61
et 62)
J. Freund: L'Essence du politique, (Sirey)
F. Engels: Origine de la famille, de la propriété privée et de
l'Etat
G. Burdeau: L'Etat, (Le Seuil 1970)
E. Weil: Hegel et l'Etat, (Vrin)
Foucault-Deleuze: Les Intellectuels et le Pouvoir, (L'Arc, n°45 -
1972)
Patrice Canivez: Eduquer le citoyen (coll. Optiques de Hatier)