I
= Pour le sens comme orientation et signification.
Je
trouve ici que la pensée est un attribut qui
m'appartient: elle seule ne peut être détachée de
moi." Descartes, Méditations métaphysiques
(seconde)
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Descartes
considère le sujet comme un centre: la pensée (conscience) donne
à l'individu, au moi comme présence à soi, la constante
possibilité de s'élever au point de devenir par sa pensée
l'origine de ses représentations et de ses actions: cette
accession ne dépend que de lui, puisque la pensée est ce qu'il a
en propre et ce qui ne peut être détaché de lui. A
chacun revient donc cette tâche s'il veut l'accomplir: devenir maître
de sa pensée c'est devenir soi même sujet en réalisant le
passage de la puissance à l'acte, en quelque sorte. Même
le prisonnier sera heureux s'il règle ses désirs sur
l'accessible, s'il ne désire pas l'impossible liberté. Ainsi le
désir/volonté et son objet peuvent être inspectés par
l'entendement et être réglés par la volonté puisque le désir
est de l'ordre de la pensée du sujet.
II
= Pour le contexte:
Les
trois maximes (ou règles pratiques) de la morale provisoire. La
troisième maxime est la clé des deux premières.
Être heureux suppose que l'on sache, en effet:
Comment
se comporter envers les autres pour éviter d'être persécuté ou
même "harcelé" comme on dirait aujourd'hui. (Première
maxime)
Comment
se comporter envers soi-même, pour éviter l'inquiétude, le
regret, le remords, l'indécision. (Deuxième maxime)
Comment
se comporter envers le monde et la fortune (hasard heureux ou
malheureux) pour éviter la tristesse de l'échec qui vient
toujours de ce que nous essayons de maîtriser des choses extérieures
qui ne dépendent pas de nous. (Troisième maxime)
En
se comportant comme sujet, Descartes se constitue lui-même comme
sujet, d'un seul mouvement: être c'est se faire.
III
= Pour expliquer le texte: la troisième maxime de la morale
provisoire: changer ses désirs plutôt que l'ordre du monde.
Bien
noter qu'il s'agit d'une maxime provisoire:
Descartes pensait que la Morale devait être comme une sorte de
couronne sur des sciences parfaitement constituées: la
constitution de la morale exige la constitution préalable des
sciences. Comme on en est très loin et que la vie
"presse", Descartes décide de suivre quelques règles
pratiques non parce qu'elles sont justifiées définitivement par
un savoir mais parce qu'il lui semble qu'elles permettent la vie
la plus heureuse possible.
"Ma
troisième maxime était de tâcher
toujours plutôt à me vaincre que la fortune,
et à changer mes désirs que l'ordre
du monde et généralement, de m'accoutumer
à croire qu'il n'y a rien qui soit entièrement en
notre pouvoir, que nos pensées, en sorte qu'après que
nous avons fait notre mieux, touchant
les choses qui nous sont extérieures, tout ce qui
manque de nous réussir est, au regard de nous,
absolument impossible. Et ceci seul me semblait être
suffisant pour m'empêcher de rien désirer à l'avenir
que je n'acquisse, et ainsi pour me
rendre content. Car notre volonté
ne se portant naturellement à désirer
(= la volonté désire) que les choses que
notre entendement lui représente en quelque façon
comme possibles, il est certain que, si nous considérons
tous les biens qui sont hors de nous comme également éloignés
de notre pouvoir, nous n'aurons pas plus
de regret de manquer de ceux qui semblent être dus à
notre naissance, lorsque nous en serons privés sans
notre faute, que nous avons de ne posséder pas les
royaumes de la Chine ou de Mexique; et que faisant,
comme on dit, de nécessité vertu, nous ne désirerons
pas davantage d'être sains, étant malades, ou d'être
libres, étant en prison, que nous faisons maintenant
d'avoir des corps d'une matière aussi peu corruptible
que les diamants, ou des ailes pour voler comme les
oiseaux. Mais j'avoue qu'il est besoin d'un long
exercice, et d'une méditation souvent réitérée, pour
s'accoutumer à regarder de ce biais toutes les
choses..."
Descartes,
Discours de la méthode, troisième partie
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