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« Puissances de l'imagination »

(voie d'accès choisie: le pouvoir de l'imaginaire - Perspectives par Joseph Llapasset)

Classes prépas, programme des prépas scientifiques

Malebranche, La recherche de la vérité

(Livre second, troisième partie, chap.IV, page 155)

La force de l'imagination 

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=> Selon qu'on parle de force ou de puissance de l'imagination, on adopte deux points de vue différents, celui de la passion et celui de l'action, mais on parle d'une seule et même chose.
Peut-on réduire l'imagination à ce qui provoque une passion, ce qui explique sa contagion, ou l'imagination n'est-elle pas une capacité qu'il suffit de maîtriser pour exercer un pouvoir? Ne faut-il pas avec Malebranche distinguer une imagination passive et une imagination active?

=> S'il s'agit de force de l'imagination, quel est son point d'application? Toute force ayant un effet, elle est toujours condition d'une passion en s'appliquant sur un corps animé, par l'impression qu'elle fait. La force est ce qui fait mouvoir ou tend à faire mouvoir un corps par l'effet exercé à partir d'un point d'application, selon un enchaînement mécanique. C'est selon un mécanisme que les forces jouent sans que la volonté n'intervienne; même si cela se fait en l'homme, cela se fait sans sa volonté selon un mécanisme qui ne relève pas de la conscience: ainsi chacun peut-il lire sur le visage de celui qu'il rencontre l'effet, l'impression qu'il produit sur lui.

=> Toute passion, au-dedans, est selon Malebranche, mouvement des nerfs: les nerfs sont en sympathie et en correspondance, si bien que toute passion au-dedans paraît au-dehors par la transmission du mouvement des nerfs, modifiant l'expression des yeux, de la bouche et des autres parties du visage qui sont mues selon un enchaînement de "causes" à effets; un peu comme lorsque l'on agite le bout d'une corde, par transmission, l'autre bout s'agite. L'expression est donc d'abord le résultat d'une impression et d'un transfert de mouvement: à chaque mouvement au dedans correspond, comme l'effet correspond à la "cause", un mouvement, une expression, "un air".

Aujourd'hui on parlerait avec Bergson d'un schéma sensori-moteur (Bergson, Essai sur les données immédiates de la conscience, chapitre premier).

 A la page 45 de l'édition Pocket, Malebranche affirme: "Tout se fait par machine".
On comprend pourquoi "Il est très difficile de ne rien donner
(= accorder, suivre) à l'air et aux manières" (Ibidem, page 116) de ceux qui nous parlent, puisque les impressions nous disposent de telle ou telle manière en fonction de "l'effet" que l'air et les manières enflammés produisent sur nous:
si la grâce de la personne qui vient vers nous, prédispose à la sympathie, à la confiance, à prendre la parole pour tout dire et tout accorder,  "une mine impérieuse, fière et grave nous stupéfait" au point de nous faire perdre la parole.

=> "Ainsi après plusieurs contrecoups de ces expressions sensibles, notre air et nos manières se fixent enfin dans l'état que la personne qui domine le souhaite" (Édition Pocket, éclaircissements, page 247). Comment dire autrement que l'expression vive et animée de celui que l'imagination enflamme produit, "cause" une impression qui nous dispose de telle ou telle manière, nous enflamme, nous met donc dans l'état que l'orateur souhaite?
Cela nous oriente vers une étude, un examen, du sens que Malebranche donne à l'air, à la manière et aux manières, car c'est peut-être ce qui assure la transmission, la contagion, et donc fonde en un certain sens la force de l'imagination;car si l'imagination restait limitée à un individu sa force ne serait pas bien grande: c'est parce qu'elle se transmet aux autres sans qu'ils en aient conscience que l'imagination, en exerçant sa  force peut devenir  redoutable.

Pour cela il nous faudra bien distinguer: cause "occasionnelle"; cause efficace ou cause totale.

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