L'évolution
n'est pas une propriété des êtres vivants.
"Selon
la théorie moderne, la notion de "révélation"
s'applique au développement épigénétique, mais non,
bien entendu, à l'émergence évolutive qui, grâce précisément
au fait qu'elle prend sa source dans l'imprévisible
essentiel est créatrice de nouveautés absolues...
Mais là où Bergson voyait la preuve la plus manifeste
que le "principe de la vie" est l'évolution
elle même, la biologie moderne reconnaît, au
contraire, que toutes les propriétés des être vivants
reposent sur un mécanisme fondamental de
"conservation moléculaire". Pour la théorie
moderne l'évolution n'est nullement une
propriété des êtres vivants puisqu'elle
a sa racine dans les imperfections mêmes
du mécanisme conservateur qui, lui, constitue bien leur
unique privilège. Il faut donc dire que la même source
de perturbations, de "bruit" qui, dans un système
non vivant, c'est à dire non réplicatif, abolirait peu
à peu toute structure est à l'origine de l'évolution
dans la biosphère, et rend compte de sa totale liberté
créatrice, grâce à ce conservatoire du hasard, sourd
au bruit autant qu'à la musique, la structure réplicative
de l'ADN"
(Le hasard et la nécessité, page 130, Seuil,
essai sur la philosophie naturelle de la biologie
moderne.)
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Dans
le chapitre VI, Invariance et perturbations,
Jacques Monod fait le point sur ce qui lui semble être les acquis
de la biologie.
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Il y a une sorte de texte génétique dans
lequel sont inscrites les structures héréditaires de
l'organisme: par un mécanisme reproducteur le système vivant
se réplique à la manière d'un germe cristallin "qui
choisit et oriente les molécules qui viennent spontanément
s'y associer assurant la croissance du cristal" Page 122.
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-L'expérimentation
a permis d'identifier des perturbations lors de la réplication
(page 127). Le mécanisme réplicateur prend en compte ces
erreurs qui passent dans le texte génétique et sont donc
transmises à la descendance du système vivant.
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Rien dans le mécanisme reproducteur ne peut
produire une nouveauté: il produit le retour du même. C'est
la perturbation du mécanisme qui produit,
par une erreur de réplication, une altération, l'autre que
le retour du même.
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On peut identifier le mécanisme de réplication
à une série causale qui a son origine dans le texte génétique:
le processus est fermé sur lui même, indépendant du milieu:
aucune information ne peut y parvenir. Il y a, dans le milieu,
des séries causales, des autres processus, indépendantes par
rapport au mécanisme de réplication. Chaque série causale
est bien entendu prévisible, la rencontre de deux séries
causales indépendants est par définition imprévisible:
c'est un hasard essentiel.
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L'altération d'une séquence dans la double hélice
de l'ADN est donc purement accidentelle, imprévisible, non déductible,
si bien que, pour Jacques Monod, un tel hasard comme rencontre
de séries causales indépendantes est "la source de
toute nouveauté de toute création dans la biosphère"
page 127
Conclusion:
"L'évolution n'est nullement une propriété des êtres
vivants." Effectivement: si la source de l'évolution est
l'imperfection du mécanisme de réplication, propriété de l'être
vivant, le changement ne peut lui être attribué: à condition
bien entendu que ce soit l'unique propriété de l'être vivant.
Sans l'intervention de séries causales qui ne viennent pas de
lui, il n'y aurait pas de perturbations, de nouveautés transmises
à la descendance: il n'y aurait pas d'évolution.
Jusqu'où peut-on suivre cet éminent professeur au Collège de
France qui a créé en 1954 le service de biochimie cellulaire de
l'Institut Pasteur? La question est de savoir si le mécanisme de
réplication est l'unique propriété des systèmes vivants.
Par J. Llapasset |