° Rubrique Etude de texte en philosophie

Etude de texte

Un auteur, un texte  par Joseph Llapasset

PLATON ( -428, -348 Av. J.C)

La distinction de la science et de l'opinion (La République, fin du Livre VI) 

Troisième partie du texte

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Prends, par exemple, une ligne sectionnée en deux parties, qui sont deux segments inégaux; sectionne à nouveau, selon le même rapport, chacun des deux segments, celui du genre visible comme celui du genre intelligible. Ainsi, eu égard à une relation réciproque de clarté et d'obscurité, tu obtiendras, dans le visible, ton deuxième segment, les copies par copies, j'entends premièrement les ombres portées, en second lieu les images réfléchies sur la surface de l'eau ou sur celle de tous les corps qui sont à la fois compacts, lisses et lumineux, avec tout ce qui est constitué de même sorte. Je suppose que tu me comprends. - Mais oui, je te comprends. Pose alors l'autre segment auquel ressemble celui-ci, les animaux de notre expérience et, dans son ensemble, tout le genre de ce qui se procrée et de ce qui se fabrique. Je le pose, fit-il. - Accepterais-tu en outre, repartis-je, de parler d'une division du visible sous le rapport de la vérité et de l'absence de vérité? Ce que l'opinable est au connaissable, la chose faite en ressemblance le serait à ce dont elle a la ressemblance? - Je l'accepte, dit-il, et de tout coeur! - Examine maintenant de quelle façon aussi la section de l'intelligible devra, à son tour, être sectionnée. De quelle façon? De cette façon dans une des sections de l'intelligible, l'âme, traitant comme des copies les choses qui précédemment étaient celles que l'on imitait, est obligée dans sa recherche de partir d'hypothèses, en route non vers un principe, mais vers une terminaison ; mais, en revanche, dans l'autre section, avançant de son hypothèse à un principe anhypothétique, l'âme, sans même recourir à ces choses que justement dans la première section on traitait comme des copies, poursuit sa recherche à l'aide des natures essentielles, prises en elles-mêmes, et en se mouvant parmi elles.
Platon, La République Livre VI

 Troisième partie du texte: 
Dans la troisième partie, celle qui concerne l'intelligible, Platon distingue deux sections: d'une part la pensée qui raisonne, qui déduit avec application et rigueur une conclusion d'une hypothèse ou qui enchaîne des jugements bien conduits pour produire un raisonnement; d'autre part, la saisie directe de Formes l'intelligence des formes par la dialectique.

Traitant comme des copies: ce qui distingue la raison démonstrative et la dialectique c'est d'abord:
- que l'une se sert d'images, de "copies", par exemple le carré tracé sur le sable est une copie du carré en soi, un reflet sur lequel on va raisonner, en visant le carré en soi.
- que l'autre pense (c'est le même qui sait interroger et qui sait aussi répondre, lit-on dans Cratyle), et que cette pensée dialectique est un dialogue de l'âme avec elle-même:
l'âme c'est l'intelligence en acte.

Dans la dialectique on s'interroge, on examine, on cherche. Bien poser une question c'estfaire, en quelque sorte, qu'elle comporte la précompréhension et la préposition de la réponse à donner.
Celle que l'on imitait: les objets fabriqués dans le premier segment de la ligne étaient "imités" par des images, des reflets, des ombres. Par exemple, le corps vivant peut être imité par l'ombre portée. Ici, dans l'intelligible, les objets fabriqués, le cercle tracé, la diagonale tirée sur le sable sont traités comme des images du cercle en soi, du carré en soi, des définitions.
Obligée: parce qu'elle ne s'interroge pas sur le statut de l'hypothèse qui lui sert de point de départ, la raison mathématique comme la raison expérimentale sont obligées de descendre vers une terminaison, une conclusion. Ce qui doit être démontré, c'est à dire montré à partir des hypothèses que l'on a demandé d'admettre sans démonstration.
Vers un principe: le mouvement de l'âme, en réalité, dans la raison démonstrative ne s'élève pas à un principe mais descend d'une hypothèse prise comme point de départ.
L'autre section: la dernière de la ligne, la seconde de l'intelligible: la dialectique. 
Avançant  de son hypothèse: il est donc faux d'affirmer que ce qui distingue la raison démonstrative et l'intelligence dialectique c'est que la première se sert d'hypothèse et que la seconde ne s'en sert pas: dans les deux cas on use d'hypothèse,
mais d'une manière bien différente. 
La raison démonstrative fait de l'hypothèse un point de départ ce qui est une manière de lui refuser son caractère hypothétique.
Par contre l'intelligence dialectique reconnaît le caractère hypothétique de l'hypothèse: elle en fait un marche pieds , un tremplin,pour s'élever jusqu'à un principe, puis jusqu'aux Idées, pour redescendre en validant au passage toutes les hypothèse qui ont servi de marche pieds.
Principe anhypothétique: principe parfaitement justifié qui n'a rien à voir avec les pseudos principes de la raison démonstrative. Beaucoup d'interprètes voient le Bien dans le principe anhypothétique; ce à quoi il ne manque rien, l'absolu qui a sa raison d'être en soi. Monique Dixsaut, dans de brillantes et originales études de Platon, pense au contraire que ce principe anhypothétique est la distinction entre la science et l'opinion. Il faut reconnaître que c'est le principe de toute pensée qui se détourne de l'opinion, de ses illusions et se tourne vers l'Être, et les natures essentielles.
Pourquoi est-ce le principe de toute pensée? 
C'est que seule cette distinction permet de découvrir une manière de penser qui,
en prenant pour appui les natures essentielles, c'est à dire l'essence de ce qui est, entreprend une enquête, une marche vers la vérité.
Ainsi le philosophe ne peut perdre de vue ce qui est et par cette distinction entre la science et l'opinion, il commence à penser.
En se mouvant parmi elles: comme un bon nageur inspiré qui se meut au coeur des bonnes définitions, des essences, le philosophe peut, au bon moment, faire pour ainsi dire dialoguer les idées pour la recherche de la vérité. Par exemple, dans son effort pour penser le Désir, il va s'aider de la Beauté et du Délire: les deux formes sans lesquelles le désir ne pourrait être pensé dans la pureté de son essence, de ce qu'il est.

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