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L'étude de texte - 

Un auteur, un texte  par J. Llapasset 

Pascal - Trois discours sur la condition des grands

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Analyse des concepts de la  2ème partie.

"Premier discours 

Ne vous imaginez pas que ce soit par un moindre hasard que vous possédez les richesses dont vous vous trouvez maître, que celui par lequel cet homme se trouvait roi. Vous n'y avez aucun droit de vous-même et par votre nature, non plus que lui: et non seulement vous ne vous trouvez fils d'un duc, mais vous ne vous trouvez au monde, que par une infinité de hasards. Votre naissance dépend d'un mariage, ou plutôt de tous les mariages de ceux dont vous descendez. Mais d'où ces mariages dépendent- ils? D'une visite faite par rencontre, d'un discours en l'air, de mille occasions imprévues. 
Vous tenez, dites-vous, vos richesses de vos ancêtres, mais n'est-ce pas par mille hasards que vos ancêtres les ont acquises et qu'ils les ont conservées? Vous imaginez-vous aussi que ce soit par quelque loi naturelle que ces biens ont passé de vos ancêtres à vous? Cela n'est pas véritable. Cet ordre n'est fondé que sur la seule volonté des législateurs qui ont pu avoir de bonnes raisons, mais dont aucune n'est prise d'un droit naturel que vous ayez sur ces choses. S'il leur avait plu d'ordonner que ces biens, après avoir été possédés par les pères durant leur vie, retourneraient à la république après leur mort, vous n'auriez aucun sujet de vous en plaindre.
...."

Réponse à deux objections:

Moindre hasard: Pascal nous dit comment interpréter l'anecdote, sa signification. L'objection possible: nous avons reçu les biens que nous possédons de nos ancêtres le hasard est moindre que dans votre récit, n'est pas acceptable. En effet la condition des grands résulte d'un hasard tout à fait semblable à celui qui amène la condition du naufragé, reconnu comme ce qu'il n'est pas, le roi qui s'est perdu. Le hasard n'est pas moins important (moindre) quand il s'agit des grands et des biens possédés. Comprenons que Pascal qui veut amener les grands à plus d'humilité, à plus de justice et donc au salut, s'attaque à leur orgueil: ils s'imaginent mériter l'estime par leur seule richesse et par leur noblesse reconnue par les institutions établies: mais leur noblesse et leur bien n'a rien à voir avec leur mérite. Ils ont à voir, bien plutôt, avec la fantaisie des législateurs, le hasard de la fortune, sans aucune relation avec leurs qualités naturelles. Il est donc impossible de déduire de leur grandeur d'établissement,qui mérite certes un respect extérieur, leur valeur morale qui mériterait l'estime pour ce qu'ils sont vraiment.

aucun droit de vous même: le droit qui vous est reconnu a pour origine l'institution et le hasard et non ce que vous êtes vraiment. Dans ces conditions ce droit n'est pas issu de votre condition naturelle, d'une quelconque grandeur naturelle. Ce que vous possédez, vous le devez donc à l'institution qui a réglementé l'héritage en fonction du bon plaisir, du tour d'imagination, de ce qui a plu au législateur. En effet, les législateurs auraient aussi bien pu établir qu'à la mort de vos ancêtres, tout ce que chacun aurait accumulé grâce au hasard de la fortune revienne à la chose commune c'est à dire à la république.

Remarquer ici que Pascal limite l'ordre établi sans pour cela déclarer juste la désobéissance. Il laisse donc la porte ouverte à un progrès social qui doit passer par la transformation des institutions et non pas par une révolution violente: ce que l'imagination a fait grâce à un accord partagé, peut être défait ou transformé par un autre imaginaire plus conforme à la justice et à la raison. Si l'ordre établi se fonde sur l'imaginaire et un accord qui établit, il peut être remplacé par un autre "établissement". Il semble important d'affirmer ici que Pascal ne s'oppose pas au progrès social mais qu'il en détermine les conditions.

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