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L'étude de texte - 

Un auteur, un texte  par J. Llapasset 

Un texte de John Stuart MILL (Bac 2005)

"La nature"

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Expliquer un texte

Si le cours naturel des choses était parfaitement bon et satisfaisant, toute action serait une ingérence inutile qui, ne pouvant améliorer les choses, ne pourrait que les rendre pires. Ou, si tant est qu'une action puisse être justifiée, ce serait uniquement quand elle obéit directement aux instincts, puisqu'on pourrait éventuellement considérer qu'ils font partie de l'ordre spontané de la nature ; mais tout ce qu'on ferait de façon préméditée et intentionnelle serait une violation de cet ordre parfait. Si l'artificiel ne vaut pas mieux que le naturel, à quoi servent les arts de la vie? Bêcher, labourer, bâtir, porter des vêtements sont des infractions directes au commandement de suivre la nature.

[...] Tout le monde déclare approuver et admirer nombre de grandes victoires de l'art sur la nature : joindre par des ponts des rives que la nature avait séparées, assécher des marais naturels, creuser des puits, amener à la lumière du jour ce que la nature avait enfoui à des profondeurs immenses dans la terre, détourner sa foudre par des paratonnerres, ses inondations par des digues, son océan par des jetées. Mais louer ces exploits et d'autres similaires, c'est admettre qu'il faut soumettre les voies de la nature et non pas leur obéir ; c'est reconnaître que les puissances de la nature sont souvent en position d'ennemi face à l'homme, qui doit user de force et d'ingéniosité afin de lui arracher pour son propre usage le peu dont il est capable, et c'est avouer que l'homme mérite d'être applaudi quand ce peu qu'il obtient dépasse ce qu'on pouvait espérer de sa faiblesse physique comparée à ces forces gigantesques. Tout éloge de la civilisation, de l'art ou de l'invention revient à critiquer la nature, à admettre qu'elle comporte des imperfections, et que la tâche et le mérite de l'homme sont de chercher en permanence à les corriger ou les atténuer.

John Stuart Mill, La nature"

Les intérêts du texteEn ce qui concerne la recherche de la vérité et de la justice, à quoi ce texte peut-il être utile?

Règle d'or: ce qui peut être tiré du texte , ne jamais plaquer des connaissances sur le texte!

Mouvement: intérêt du texte => question posée à l'auteur. (attention l'auteur y a probablement répondu, ailleurs). Voici quelques pistes que vous pouvez éventuellement reprendre:

 - Il est possible de souligner la clarté, l'intelligence de la stratégie, l'exposition explicite que vaut à ce texte l'utilisation appropriée du raisonnement démonstratif. La réfutation des préceptes issus du stoïcisme (obéir à la nature = suivre le divin) entraîne le lecteur, l'enchaîne pour ainsi dire par la rigueur.

 

- Nous voilà, grâce à cet écrit, face à quelqu'un d'honnête en ce qu'il ne se perd pas en un fouillis d'obscurité qui le plus souvent masque l'indigence de la pensée ou des intentions plus ou moins louches. John Stuart Mill a été prisé dans les universités anglaises pour la clarté de ses exposés, pour l'utilisation rigoureuse de la langue, le goût du mot juste et la cohérence de son discours. Bergson l'admirait. Bergson qui maîtrisait parfaitement la langue anglaise de sa mère, appartient à ces grands universitaires  refusant  l'obscurité comme on refuse la lâcheté et qui ont pensé à la suite de Hume qu'un livre plein de radotages abscons (= qui cache le sens parce que, peut-être, ils n'osent laisser paraître leur effort pour justifier l'injustifiable, la sélection), ne mérite pas de rester dans une bibliothèque, mais doit être brûlé . Par leurs cours et leurs conférences, par leur sens moral exemplaire, Michel Henry et Paul Ricoeur avaient rejoint cette lignée de grands universitaires qui s'honoraient de présenter avec simplicité les maîtres du passé, au point qu'en sortant de leurs cours, nous nous sentions plus intelligents : il faut remercier ces penseurs qui ont beaucoup fait pour l'enseignement de la philosophie.

- Reste que la deuxième partie du texte laisse une impression mélangée. A l'admiration pour la forme et pour le contenu, pour la pertinence des exemples parfaitement ajustés (qui raviraient une classe de terminales), se mêle un jugement sur l'auteur. Stuart Mill, parce qu'il en fait un peu trop, ne serait-il pas naïf?
D'abord cet accord de tous sur lequel s'appuie sa propre argumentation est l'accord d'une époque, et vaut donc ce que vaut la lucidité de cette époque... L'utilité reconnue par tous n'est jamais un critère de vérité dans la mesure où on ne peut prévoir les conséquences d'une invention technique. John Stuart Mill allait-il jusqu'à prévoir, avec la naïveté d'une belle âme, que la recherche des plaisirs quantitatifs finirait pas se modérer par elle même, comme si le quantitatif se transformait en qualitatif, ce qui éviterait l'épuisement des ressources naturelles et les autres désagréments des grandes victoires de l'homme sur la nature. Magnifier le combat de l'homme contre la nature n'est-ce pas oublier que l'homme est une partie de la nature et que la survie de l'homme dépend donc d'un certain équilibre, et du respect de la nature, si en respectant la nature l'homme se respecte...

- L'auteur nous oriente bien vers la recherche de la vérité et vers la recherche d'une plus grande justice, sans pour cela nous donner des réponses définitives. L'intérêt philosophique d'un grand texte est donc d'activer notre intériorité, notre sensibilité au problème et de nous mettre devant une tâche qui est la nôtre devant les problèmes de notre époque.

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