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L'étude de texte - 

Un auteur, un texte  par J. Llapasset 

MERLEAU-PONTY (1711-1776)

L'opération paradoxale de la parole (Phénoménologie de la perception)

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"Une parole importante, un bon livre imposent leur sens. C’est donc d’une certaine manière qu’ils le portent en eux. Et quant au sujet qui parle, il faut bien que l’acte d’expression lui permette de dépasser lui aussi ce qu’il pensait auparavant et qu’il trouve dans ses propres paroles plus qu’il ne pensait y mettre, sans quoi on ne verrait pas la pensée, même solitaire,  chercher l’expression avec tant de persévérance. La parole est donc cette opération paradoxale où nous tentons de rejoindre, au moyen de mots dont le sens est donné, et de significations déjà disponibles, une intention qui, par principe, va au-delà et modifie, fixe elle-même en dernière analyse le sens des mots par lesquels elle se traduit. Le langage constitué ne joue un rôle dans l'opération d'expression que comme les couleurs dans la peinture: si nous n'avions pas des yeux ou en général des sens, il n'y aurait pas pour nous de peinture, et cependant le tableau "dit" plus de choses que le simple exercice de nos sens ne peut nous en apprendre. Le tableau par delà les données des sens, la parole par delà celles du langage constituée doivent donc avoir par eux-mêmes une vertu signifiante, sans référence à une signification qui existe pour soi, dans l'esprit  du spectateur ou de l'auditeur."
Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, troisième partie, page 445. (Tel, Gallimard

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Analyse à partir de la définitions des concepts: 

Quant au sujet qui parle. Notez bien l'articulation logique du raisonnement, à partir du mouvement de la phrase. Commencez par la fin: "on ne verrait pas..." qui a pour but d'établir la première partie de la phrase.
La conception d'une intention simplement traduite par des mots au sens fixé entraîne une action de traduction mécanique et facile. En fait on ne retrouve dans les mots du dictionnaire que leur sens. Mais, que le sujet qui pense cherche l'expression avec tant de persévérance, signifie que la traduction n'est pas donnée, que, dans son effort pour maîtriser sa parole il est vite contraint à lui laisser cette liberté sans laquelle la parole ne serait pas une pensée. A ce prix, le sens se lève toujours et provoque l'étonnement d'avoir dit plus ou autre chose que l'on avait décidé de dire: heureuse surprise qui habite aussi l'artiste contemplant le tableau qu'il vient de réaliser. Bien entendu cet étonnement n'est rien d'autre qu'un "raté positif" et ne l'est que pour le locuteur seul à même de discerner le décalage entre son intention et l'expression qu'il en donne.

Opération paradoxale: l'opération désigne plus qu'une fabrication, c'est l'acte de produire une oeuvre: la parole comme acte d'expression est une opération: ce qui étonne, ce qui surprend, apparaît comme une contradiction entre ce qu'on voulait dire et ce qu'on a utilisé comme moyen pour le dire. Ce qui semble contradictoire c'est le modèle de traduction d'une intention personnelle par le moyen d'un système général. Comment faire se correspondre une intention particulière et des mots dont le sens est fixé par l'usage? Comment mettre le vin nouveau de la création personnelle dans des ustensiles qui appartiennent au passé?

Le langage constitué: Merleau-Ponty introduit l'analogie entre les mots et les couleurs utilisées par le peintre: ce ne sont que des moyens dont la libre combinaison fait jaillir du sens. Les combinaisons étant infinies, la possibilité d'expression de la parole comme de la peinture est infinie. Dans les deux cas, il ne s'agit pas d'une traduction, d'une reproduction mais il s'agit de dire plus de choses et de faire voir plus.
Vertu signifiante: une qualité propre, essentielle, dont l'être est de signifier, d'ajouter du sens par rapport à l'intention première. Non seulement en parlant, je pense, mais j'assiste au libre cours d'une liberté qui en arrive à me surprendre et à surprendre l'auditoire... 
La vertu signifiante c'est d'abord l'intention du peintre, ensuite ce qu'il fait dire à l'amateur, enfin ce que dit le tableau accompli, l'oeuvre qui porte son propre sens et, à la surprise de l'opinion, se met à vivre sa vie en se détachant de l'auteur, comme un bon roman. "Mes vers ont le sens qu'on leur prête" disait Paul Valéry. 
On comprend que Merleau-Ponty, comme Heidegger,s'oriente vers le langage.
Parole telle qu'en elles même  et peinture telle qu'en elle même, témoignage d'une part de liberté irréductible à l'intention de celui qui parle, qui émet,et à l'interprétation de celui qui reçoit. Dans cet écart de liberté il y a l'être et le mystère d'une existence. L'être a donc besoin d'une reprise.

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