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L'étude de texte - 

Un auteur, un texte  par J. Llapasset 

HUME (1711-1776)

Raison et passion (Traité de la nature humaine)

Explication à partir des concepts

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"Une passion est une existence primitive ou, si vous le voulez, un mode primitif d'existence et elle ne contient aucune qualité représentative qui en fasse une copie d'une autre existence ou d'un autre mode. Quand je suis en colère, je suis actuellement dominé par cette passion et, dans cette émotion, je n'ai pas plus de référence à un autre objet que lorsque je suis assoiffé, malade ou haut de plus de cinq pieds. Il est donc impossible que cette passion puisse être combattue par la vérité et la raison ou qu'elle puisse les contredire; car la contradiction consiste dans le désaccord des idées, considérées comme des copies, avec les objets qu'elles représentent."
Hume (Traité de la nature humaine)

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Explication à partir des concepts:

Raison et passion: la raison permet de contempler, de prévoir, de juger et d'enchaîner rigoureusement des jugements.
La passion est vécue comme ce qui pousse à agir pour se satisfaire.
La passion est de l'ordre de ce qu'on éprouve vivement et la raison de l'ordre de la représentation, de ce qui est connu, de ce qui met à distance la réalité vécue.
Si on distingue l'existence primitive d'une copie, on s'est mis dans les conditions de comprendre les différences entre la passion et la raison.

Primitive: ce qui est primitif est ce qui naît en premier, donné par la nature, d'abord, comme existence, comme énergie qui se déploie en s'éprouvant soi-même: c'est le dynamisme des passions qui n'a rien à voir avec une représentation objective du monde.

Ce qui est secondaire, dérivé, c'est précisément ce qui rend présent à l'esprit, ce qui copie la réalité pour contempler la représentation, prévoir des enchaînements et porter des jugements. La raison qui, en combinant les représentations ne combine en fait que des tableaux sans aucune énergie, bien incapables de produire à eux seuls la moindre action.

Autant dire que la raison et la passion sont extérieures l'une à l'autre au point que la raison, parce qu'elle est dépourvue de dynamisme et d'énergie ne saurait produire un quelconque effet sur la passion. Bien au contraire, la passion, peut utiliser la raison.

Aucune qualité représentative: rien qui pourrait rendre présent à l'esprit, qui pourrait donc apprécier un argument, un raisonnement: qui pourrait comprendre une erreur pour peu qu'on montre la distance entre ce qu'on affirme et la réalité. De ce fait, vouloir parler raison à une passion c'est parler à un sourd: puisqu'elle ne peut comprendre elle ne peut être raisonnée et la contradiction sur laquelle la raison s'appuie pour raisonner ne saurait la toucher et l'amener à maîtriser le torrent qu'elle est.

Je suis... dominé: un passionné est tout entier à ce qu'il vit dans l'instant et il ne saurait considérer la réalité d'un objet, il ne saurait juger ou prévoir les conséquences de sa passion: en effet, si une passion ne contient aucune qualité représentative, elle ne peut que suivre son cours: elle ne peut revenir sur elle même, s'objectiver.

Il est donc impossible: ce qui rendrait possible l'intervention de la raison c'est quelle puisse être suivie quand elle s'appuie sur la vérité, l'accord de ce qu'elle affirme et de la réalité, pour montrer au passionné son erreur et sa faute. Comme la passion domine le passionné, il la vit, et que son énergie se déploie en dépit de la raison sans énergie, la passion suit sa route. La raison semble parfois s'opposer à une passion, mais c'est seulement parce qu'elle emprunte l'énergie d'une autre passion qui lui permet de combattre la passion première.

Désaccord: ce que je souffre m'importe bien plus que ce que je me représente. Si je me suis cassé la jambe, cela compte bien plus pour moi que la représentation de tous les malheurs de l'humanité. Ce que je souffre ne saurait être sensible à l'ordre du jugement, de la comparaison parce que une passion est aveugle aussi bien aux idées qu'aux représentations, à ce qui, mis en pleine lumière par la lucidité d'un jugement, ne saurait toucher ce qui se touche soi-même, ce qui s'éprouve soi-même dans la souffrance, au point que le passionné n'aime que lui, qu'il est insensible à tout ce qui n'est pas lui, à tout ce qu'il ne voit pas actuellement. Prenez mes yeux dira-t-il à celui qui tente vainement de le raisonner.

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